Le réalisateur Kenji Kamiyama (Blade Runner: Black Lotus, Ghost in the Shell: Stand Alone Complex) emmène les spectateurs au cœur d'un récit inédit tiré de l'oeuvre de J.R.R. Tolkien et des films de Peter Jackson avec un film reposant principalement sur la technique d'animation dessinée à la main. Un pari audacieux qui avait tout pour faire honneur à un univers aussi important mais qu'en est-il réellement ?
Se déroulant 183 ans avant la trilogie du Seigneur des Anneaux, La Guerre des Rohirrim explore l'histoire de la Maison de Helm Hammerhand, roi de Rohan.
Face à l'attaque soudaine de Wulf, un seigneur vengeur et cruel, Helm et son peuple se barricadent dans la forteresse de Fort-le-Cor, rebaptisée Gouffre de Helm. Dans cette lutte désespérée, Héra, la fille de Helm, doit rassembler le courage nécessaire pour diriger la résistance contre un ennemi déterminé à détruire son peuple.
2024 aura été une année riche pour les fans du Seigneur des Anneaux avec la diffusion d'une deuxième saison remarquable des Anneaux de Pouvoir sur Prime Video, l'annonce de nouveaux films, dont The Hunt for Gollum qui verra le retour de personnages emblématiques, ainsi que la sortie en ce début décembre de La Guerre des Rohirrim. S'il est toujours agréable de retourner en Terre du Milieu, il faut reconnaître qu'il n'est pas aisé pour les cinéastes de proposer un nouveau point de vue et de convaincre.
En cela, le film de Kenji Kamiyama est réussi car le choix d'une animation dans l'esprit des dessins animés japonais traditionnels rend La Guerre de Rohirrim unique en son genre et se démarque ainsi des films de Rankin/Bass (1977 et 1980) et de Ralph Bakshi (1978).
La première séquence permet de replonger en douceur dans l'univers avec des paysages magnifiques qui ressemblent à s'y méprendre à des lieux réels avant l'arrivée d'Héra où l'on perçoit clairement le style d'animation traditionnel. Ce début est également rempli de nostalgie avec la voix de Miranda Otto, de retour dans le rôle d'Eowyn en tant que narratrice de l'histoire, et le thème musical du Rohan de Howard Shore qui résonne.
La musique est d'ailleurs l'un des points forts du film de Kamiyama. En effet, Stephen Gallagher, monteur musical de la trilogie du Hobbit, signe ici une composition originale qui s'accorde parfaitement à l'univers et utilise avec parcimonie les leitmotivs emblématiques de la saga.
Toutefois, cela ne suffit pas pour faire de La Guerre des Rohirrim une oeuvre remarquable et ce n'est pas son intrigue qui va aider. En effet, l'histoire est agréable à suivre même si elle reste relativement classique en termes de structure narrative mais il est regrettable qu'elle fasse aussi redondante par rapport aux Deux Tours et au Retour du Roi. Que ce soit la fuite du peuple du Rohan vers Fort-le-Cor, la charge de Helm précédée du fameux discours prononcé par Théoden dans le troisième film, l'affrontement devant les portes de la forteresse ou l'intervention presque miraculeuse d'un personnage, tout semble n'être qu'une reprise de ce qui faisait le sel de certains des moments les plus épiques de la saga.
Certes, le film de Kamiyama possède ses propres moments de bravoure qui donnent des frissons mais ça n'arrive jamais à atteindre la dimension épique des films de Peter Jackson, tant au niveau de l'histoire que de la mise en scène.
L'animation pouvait apporter un véritable plus à l'univers mais, que l'on apprécie ou non le style en soi, le problème ici est qu'il y a des éléments qui donnent l'impression d'avoir affaire à un film inachevé, qu'il s'agisse de l'animation de certains personnages comme Freca, le père de Wulf, dont la gestuelle irréaliste rappelle celle de PNJs dans des jeux vidéo datant de 10 voire 15 ans, ou de plans dont il est difficile de comprendre la raison d'être, à l'image de celui sur les pattes du cheval lorsqu'Héra est poursuivie par un mûmak / oliphant dans une forêt.
Cela donne un effet de mauvais cadrage qui n'est pas aidé par un montage qui embrouille le spectateur avec des scènes où l'on ne comprend pas vraiment ce qu'il se passe, à l'image d'un moment clé lors du combat final sur le pont où l'enchaînement des différents plans induit en erreur sur le sort d'un personnage.
Qui plus est, il y a une forme de déséquilibre qui transparaît dans au niveau du ton car on ne sait jamais si l'on est face à un film d'animation destiné à un jeune public, ce qui est renforcé par le personnage de Lief qui amène un côté comique ainsi que par certains alliés de Wulf, qui sont tellement bêtes qu'ils en deviennent ridicules, ou s'il s'agit d'un film d'animation pour adultes, avec quelques passages plutôt violents comme la mort très visuelle et explicite de l'un des personnages principaux. Il aurait été préférable que Kamiyama et son équipe choisissent un ton ou l'autre plutôt que d'être dans un entre-deux bancal qui nuit à l'ensemble du long-métrage.
Enfin, bien que cela relève du détail, il est bien dommage que l'étendard de Wulf soit une copie conforme du blason de la maison Stark dans la série Game of Thrones. Il existe de multiples possibilités pour représenter une tête de loup alors pourquoi choisir la même position, la même ouverture de gueule et le même style visuel pour imiter les poils ? Faire des clins d'oeil à d'autres œuvres et s'en inspirer est une chose, reprendre un motif à l'identique en est une autre et cela illustre un manque d'originalité malheureux.
Ainsi, si La Guerre des Rohirrim parvient à garder le spectateur quelque peu attentif avec une histoire classique rehaussée par des paysages et une bande originale sublimes, il manque cruellement de singularité, avec une animation qui ne convainc pas pleinement et ce ne sont pas les quelques clins d'œil appuyés aux films de Jackson notamment sur la fin qui seront suffisants pour satisfaire les spectateurs.
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