Pour son premier long-métrage, Destry Allyn Spielberg s'attaque directement au film de genre avec un thriller dystopique sanglant efficace malgré une histoire qui aurait mérité un peu plus de profondeur.

Une bande d’orphelins descend vers le sud en quête d’une nouvelle vie alors qu’une épidémie décime la population des adultes. Ils finissent par se retrouver à la merci d’une femme psychotique cachant un dangereux secret.
En général, les films de clôture du Festival de Gérardmer sont loin d'être des chefs-d'œuvre et sont souvent oubliables en raison de l'ennui qu'ils provoquent ou du ridicule qu'on y trouve. La tendance semble s'inverser doucement mais sûrement avec la bonne surprise de cette année qu'est Please Don't Feed the Children, qui aurait eu toute sa place en compétition.
Le film s'ouvre sur une séquence introductive brève et efficace où une voix off dévoile ce monde postapocalyptique dans lequel les enfants sont considérés comme des pestiférés et où les autorités demandent expressément de "ne pas les nourrir", de la même manière que l'on parlerait d'animaux enragés. Le spectateur fait alors la connaissance de Mary, incarnée par Zoe Colletti qu'on a pu apercevoir dans Scary Stories (André Øvredal, 2019), une adolescente au caractère bien trempé à laquelle on s'attache assez vite.
Une première course-poursuite démarre et l'histoire continuera alors de suivre un rythme soutenu et sans temps mort jusqu'à un final choc. En effet, s'il y a bien un aspect qui marque profondément dans le film de Destry Spielberg, c'est son ton sombre et une certaine froideur retranscrite par des pièces lugubres dans des teintes bleues et grises. Qu'il s'agisse de la station-service au début du film ou de la maison de la femme qui les accepte de les héberger, aucun lieu ne semble accueillant pour les jeunes protagonistes.
Ceux-ci font tout ce qui est en leur pouvoir pour survivre dans un monde qui les délaisse et ne voit en eux qu'un danger mortel, ce qui les amène à prendre des décisions difficiles et radicales ainsi qu'à vivre des moments cruels. Le film plonge alors dans le registre horrifique avec des plans chocs de morts graphiques d'enfants.
Qui plus est, la peur est aussi présente avec une tension permanente, avec des face-à-face de plus en plus tendus dans la maison qui doivent beaucoup à l'interprétation de Michelle Dockery (Downton Abbey), glaçante dans le rôle de cette hôtesse de maison qui n'est pas sans rappeler à certains égards la sorcière dans Hansel et Gretel, conte qui semble avoir grandement inspiré Paul Bertino qui a signé le scénario du film.
Aussi, la mise en scène de Spielberg est ingénieuse, avec des choix de cadrages qui sont certes classiques dans ce qu'ils veulent dire, que ce soit avec des séparations grâce à des éléments du décor et des personnages ou des surcadrages, mais ils sont réussis, à l'image de cette scène de dialogue avec le double miroir.
Certes, l'histoire est un peu répétitive, avec l'idée d'un cercle infernal infini avec une succession de séquences qui reposent presque toutes sur une tentative d'évasion qui n'aboutit pas mais ça reste prenant malgré tout car on se demande quelle idée vont avoir les personnages pour fuir, comment ils vont essayer de le faire et il y a à chaque fois cet espoir de se dire que cette fois, c'est la bonne.
Il aurait aussi été intéressant d'en savoir plus sur le passé de la bande de jeunes que rejoint Mary au début du film. Cela aurait permis à l'histoire d'avoir plus de consistance et de s'attacher un peu plus à eux même si l'on sent une volonté de se focaliser plus particulièrement sur le personnage de Mary, bien que cela se fasse au détriment des autres.
Ainsi, même si l'intrigue de Please Don't Feed the Children aurait mérité d'être étoffée, Destry Allyn Spielberg réussit avec brio le passage au long-métrage avec un premier film riche en suspense et prometteur pour la suite.
Critique réalisée suite à la projection du film lors du 32ème Festival International du Film Fantastique de Gérardmer
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